Fillette noyée à Berck : F.Kabou dit avoir été victime d'une "énergie malveillante", les psychiatres à la barre

8 septembre 2017 à 9h21 par Jérôme Noël

DELTA FM

Le procès en appel de Fabienne Kabou a débuté ce vendredi aux assises de Douai. En juin 2016, elle avait été condamnée à 20 ans de réclusion criminelle pour avoir abandonné sa fille Adélaïde sur la plage de Berck, en novembre 2013, laissant la fillette de 15 mois se noyer. Elle a fait appel de cette décision. Son procès doit durer une semaine. Elle plaide non-coupable.

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9h00: La Cour fait son entrée dans la salle d'audience. Fabienne Kabou apparaît dans le box des accusés. Elle n'a pas changé depuis le procès en première instance. Robe à motif, veste noire, cheveux tirés en chignon, la femme est assistée par deux avocats: Maître Roy-Nansion et Maître Franck Berton.

9h30: Après avoir tiré au sort les jurés, la Cour fait le point sur le programme de la semaine. Des experts psychiatres sont attendus à la barre dès aujourd'hui. Lors du premier procès, ils avaient conclu que Fabienne Kabou souffrait de "délire paranoïaque" et d'une altération du discernement au moment des faits. Son avocate estimant que sa cliente avait "davantage besoin de soins que d'être devant une Cour d'Assises", elle a décidé de faire appel. D'où ce procès à Douai.

 

9h45: Fabienne Kabou est en larmes. La Présidente de la Cour Anne Couchaud-Doutreuwe fait le résumé de cette journée de novembre 2013, où l'accusée prend un train de Paris à Berck, où elle déposera sa fille Adélaïde sur la plage, avant de rentrer dans sa chambre d'hôtel. Impassible lors du premier procès à Saint-Omer il y a plus d'un an, Fabienne Kabou est cette fois-ci en pleurs à l'énoncé des faits.

 

10h00: La Présidente rappelle que l'accusée a été examinée par un collège de 3 experts psychiatres. Ceux-ci font état d’un « tableau de psychose délirante chronique. Au moment des faits, son discernement était altéré dans une large mesure ». Pour autant, l’information judiciaire n’a pas conclu à l’irresponsabilité de Fabienne Kabou. En effet, plusieurs éléments, tels que la recherche des horaires de train et de marée quelques jours auparavant, laissaient penser à une préméditation. Elle comparaît donc pour assassinat et encourt la réclusion criminelle à perpétuité.

10h02: Fabienne Kabou plaide non-coupable. Alors que la Présidente lui demande de s'exprimer sur les faits, Fabienne Kabou éclate en sanglots. "Je plaide non-coupable car ces éléments, comme quoi j'ai agi à cause d'une énergie que je sentais toujours malveillante, n'ont pas été suffisamment exploités. J'estime que quelque chose ou quelqu'un a agi en moi pour assassiner ma fille. Un peu comme si quelqu'un avait commandité sa mort par mes mains. Et faisant d'une pierre deux coups, ôter sa vie et ruiner la mienne. Je me suis débattu les deux années qui ont précédé sa naissance, et j'étais épuisée, tout simplement. Le plus dur, c'est que j'ai vraiment le sentiment d'avoir été fauchée. Cet assassin, je veux savoir qui il est. C'est pour ça que je suis là aujourd'hui".

Fabienne Kabou admet avoir tué sa fille, mais plaide non-coupable. Pourquoi ? La réponse de son avocat, Maître Franck Berton

 

10h30: L'étude de la personnalité de Fabienne Kabou a débuté. Née le 14 juin 1977 au Sénégal, Fabienne Kabou grandit dans un milieu « aisé ». C’est une élève « studieuse, calme et disciplinée ». Après l’obtention de son bac littéraire, elle sollicite un visa étudiant et arrive en France en 1995. A la rentrée universitaire de 1997, elle entreprend un DEUG de philosophie, à Paris VIII. Elle rencontre Michel Lafon en septembre 2000. De 31 ans son aîné, il devient alors son compagnon en octobre 2001. « C’était une femme très belle, flamboyante, cultivée. C'était aussi une mère magnifique » explique-t-il aux enquêteurs. 

11h00: Après l'étude de sa personnalité, Fabienne Kabou a repris ses esprits. Elle s'exprime clairement. Ses réponses à la Cour sont toujours ponctuées par des "Madame la Présidente". Le tribunal précise que l'accusée a reçu des lettres d'insultes en prison, "mais aussi des lettres de soutien d'anciens amis de classe".

11h45: Après une courte pause, l'audience reprend avec l'audition de la demi-soeur de Fabienne Kabou. "On n'a pas grandi ensemble. On se voyait pour les vacances". 

12h15: C’est désormais la cousine éloignée de Fabienne Kabou qui est entendue en tant que témoin. Elle décrit l’accusée comme « quelqu’un qui prenait soin de son entourage : "Elle aimait la vie. Les faits qui lui sont reprochés sont pour moi incompréhensibles. Nous étions très proches et aujourd’hui, je ne comprends pas ce qui s’est passé. Fabienne est quelqu'un d'aimante, à l'écoute des autres, et prête à aider son prochain". 

13h: L'audience est suspendue. Elle reprendra à 14h00.

14h10: L'audience reprend avec l'audition du docteur Louis Roure, psychiatre. Lors de leur rencontre, Fabienne Kabou "reconnaît les faits mais les rattachent à des pratiques magico-religieuses d'origine sénégalaise". Elle explique qu'elle est victime de phénomènes tels qu'une "lampe qui s'allume par intermittence, des murs qui tremblent, ou une porte fermée à double tour qui s'ouvre toute seule". Sur les faits, Fabienne Kabou se souvient d'avoir eu "le vent dans le dos, comme si [elle] avait été forcée à le faire, contre [sa] volonté". 

14h40: Fabienne Kabou continue d'invoquer la sorcellerie. Selon elle, les forces malveillantes "savourent de la voir en prison". Lors de son rendez-vous avec le docteur Roure, elle a expliqué au psychiatre avoir abandonné sa fille pour la protéger de "personnes malfaisantes, Martine, Dominique et Emma". Le médecin livre ses conclusions: "Nous n'avons pas mis en évidence de maladie mentale chez Fabienne Kabou, au sens médical du terme. Toutefois, il existe une adhésion du sujet à des croyances se situant dans un registre de sorcellerie sénégalaise, ayant créé chez elle un trouble psychique". 

15h00: "Vous n'avez pas relevé de maladie mentale, mais ce que Fabienne Kabou vous a raconté est quand même complètement délirant" fait remarquer Maître Calonne, avocate d'Etienne Kabou, père de l'accusée. "Oui, mais elle reconnaît les faits" répond le psychiatre. On est là au coeur du procès: Fabienne Kabou est-elle un monstre froid ayant prémédité son geste, ou une folle délirante qui trouve les raisons de sa pathologie dans la sorcellerie ?

16h30: Maroussia Wilquin, psychiatre, est à la barre. Comme lors du premier procès, elle indique que Fabienne Kabou souffre de "psychose paranoïaque délirante. L'une des caractéristiques majeures de la psychose étant que le patient n'est pas en capacité de se reconnaître malade, le sujet s'appuie sur la sorcellerie pour trouver une explication à son acte". Selon elle, l'accusée aurait pu tuer sa fille "pour la sauver de quelque chose de pire". Elle ajoute que Fabienne Kabou "ne présente pas de risque de récidive".

17h15: "Je le répète, je l'affirme et je le maintiens: nous avons là une femme malade mentale". Maroussia Wilquin continue de déposer ses conclusions au sujet de Fabienne Kabou. L'avocat général Pascale Girardon monte au créneau. "L'accusée a caché sa grossesse et lors des premières auditions, elle a donné une version mensongère aux enquêteurs. Comment êtes-vous sûrs qu'elle ne vous a pas menti à vous aussi ?". "Les symptômes ne trompent pas" répond la psychiatre.

17h40: Maroussia Wilquin raconte sa première rencontre avec Fabienne Kabou en prison. "Elle m'a souri, elle m'a dit "Bonjour Docteur. Je suis ravie de vous rencontrer", m'a ouvert la porte du parloir et invité à rentrer. Une fraction de seconde, j'ai cru qu'elle allait m'offrir une tasse de thé. C'est une femme très intelligente, au comportement inadapté à l'environnement carcéral".